La sonnerie du téléphone avait brisé le silence du repas.
A cet instant nous sûmes. Nous comprîmes qu’il avait choisi ce jour-là, précisément, ce 1er mai, pour partir enfin se reposer.
Lui le travailleur acharné, qui n’avait jamais eu peur ni de l’effort, ni de la douleur. L’homme de valeur et de courage qui avait traversé le siècle à l’ouvrage.
Homme de la terre, homme du feu, homme du fer, homme du bois, ce Gaston venu d’un autre temps me fascinait. Grand-père grandi tout seul, trop petit pour pleurer sa mère, lui qui avait bu le lait aux pis des vaches.
Il aimait arpenter ses jardins, seul, dans le brouillard du petit matin. Filiforme comme le manche d’un râteau, robuste comme une bêche, comment pouvait-il contenir autant d’énergie, d’ingéniosité, de détermination ?
A chacune de ses visites, tandis qu’il évoquait toujours mille projets, j'observais longuement ses mains. Tableau vivant, entaillées ici par une machine sans merci, sculptées là par les outils tant de fois saisis, serrés, domptés. Des mains fines et belles, ridées par les années, durcies par la terre, embellies par le labeur et les projets accomplis.
Chaque 1er mai, le parfum du muguet me fait revivre intensément le moment des adieux : lorsque les clochettes blanches par dizaines quittèrent les mains de ceux qui l’aimaient, pour glisser sur le bois de sa dernière demeure. Là, au fond de ce trou, dans ce petit cimetière de campagne.
Quelques notes de Gospel. Les larmes silencieuses… Et la terre, nue, celle qu’il vénérait tant, ouverte pour l’accueillir.
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