La Hutte, c'est fini.
Enfin, pas tout à fait. La herse se baissera définitivement le 20 mars prochain.
La Hutte... Et dire que c'était le lieu de mes premiers chaussons. Souvenirs lointains de petit rat. Cuir rose tendre, ruban de satin clair, à coudre d'abord, puis à nouer, croisés sur la cheville.
Que de moments forts qui marquent une âme d'enfant, passés dans cette enseigne devenue mythique. Comme ce jour, où l'on m'acheta enfin ma première paire de pointes, après des heures de pas de bourrée et d'entrechats, sous la coupole du Grand Théâtre*!
Roses pâles, satinées, elles attendaient toutes les jeunes danseuses qui prenaient du jalon. Là, au fond du magasin, en entrant sur la droite.
La Hutte s'était installée en 1962, portée par un engouement nouveau pour le plein air, le camping et la vadrouille.
Le magasin se diversifie rapidement dans les loisirs sportifs et déménage rue de Vesle.
L'équipe ne craint pas de faire le grand écart : danse, ski, football, tennis cohabitent, pour le plus grand plaisir des Rémois qui aspirent à (se) bouger.
On y vient pour les marques que l'on ne trouve nulle part ailleurs : Stan Smith, Lacoste, Chevignon...(ou peut-être chez Batteux**, le concurrent situé à deux pas, rue de Talleyrand).
L'arrivée des mastodontes du sport dans les centres commerciaux de périphérie sonne la fin de l'état de grâce.
Qu'à cela ne tienne, Pascal, le fils, arrivé aux commandes dans les années 70, change de cap : les jeunes s'habillent sportswear. Il en fait la nouvelle spécialité du lieu, complètement relifté.
"T'as pas tes Nike Blazer, tes Jordan, tes Vans" ? Va donc à la Hutte !
L'adresse abrite les rêves de nos enfants, ceux des ados branchés et des parents qui veulent être tendance.
Le magasin n'a plus grand chose à voir avec celui d'une jeune danseuse, mais quel plaisir de franchir la porte avec "la descendance".
Seulement Pascal et son épouse aspirent à prendre leur retraite. Légitime. On ne leur en veut pas. Enfin...
Les enfants sont verts. Le rayon "Trot" va disparaître tandis qu'un skatepark a été inauguré près du stade, il y a moins d'un an. "Il faudra acheter à Paris ou sur Internet".
Malheur. Pas de repreneur. Le commerce indépendant baisserait-il les armes ?
De la lingerie féminine version enseigne nationale, envahira bientôt les lieux. Quelle déception !
Ce 20 janvier, premier jour de la liquidation du stock (tout le magasin à -50%), une marée humaine a quasiment mis KO le boss (au sens propre comme au sens figuré).
Magasin sens dessus dessous, staff dépassé par les événements, porte d'entrée endommagée."Nous avons eu le malheur d'ouvrir la porte sans filtrer, nous n'avions pas anticipé."
Avec sa mine d'ado farceur encadrée par ses cheveux longs à la mode seventies, Pascal se balade entre les piles de chaussures. Des milliers de boîtes empilées du sol au plafond. Un stock impressionnant.
Pascal veille et renseigne avec sa Cool'attitude qui veut bien le questionner.
On évoque les bons souvenirs. Je lui propose de lui acheter l'un des sweets collector spécialement fabriqués pour "dire au revoir". Un clin d'oeil, une farce selon lui. Humour ou provoc ?
Pour le sweet, les négociations vont bon train. Il n'est pas d'accord pour le moment.
Mais... L'idée que les fidèles nostalgiques aient envie d'emporter un dernier souvenir du tipi fait son chemin.
#NousEtionsLaHutte
* Le Grand Théâtre est devenu l'Opéra de Reims
** Batteux était l'autre grand magasin de sport du centre-ville, devenu Sport 2000 par la suite. Aujourd'hui disparu, remplacé par une enseigne de confection.
La Hutte s'éteint
RépondreSupprimerMais pour atténuer ton chagrin
Passe mardi au magasin
Un tee-shirt sera tien
Pascal&fred de La Hutte
Chers Pascal&Fred, j'ai raté le rendez-vous... Mais l'offre tient-elle toujours ? Je porterai mon "souvenir" avec bonheur dans les rues de Reims.
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