La nuit tombe sur le parc de Champagne. Tout est calme. Les GI ont levé le camp.
Sûr qu'à cette heure, Lysian a regagné ses Ardennes natales, des souvenirs à raconter, des émotions à revendre !
Je l'ai croisé un jour de capitulation. Un 7 mai. A Reims, sur la place de la République... 70 ans après.
Il porte un costume GI d'époque impeccable, coupé dans une de ces grosses toiles kaki. Il sourit aux badauds rassemblés pour la fête, heureux au milieu des véhicules militaires qui viennent de défiler dans les rues de la ville.
Je crois que c'est à cause de la plaque qu'il arbore non sans fierté autour du cou .. Vous savez, le "dog tag" des militaires américains, suspendu à sa chaînette de métal.
Cet accessoire, devenu bijou, m'a toujours intriguée. Peut-être le contraste entre sa sobriété, sa légèreté et le poids de sa fonction - identifier les morts.
- Oui, c'est une vraie ! c'est la plaque de mon neveu, il est dans les marines !
Premiers mots échangés. Entre le septuagénaire et moi, le courant passe.
- Nous avons été parmi les premiers à sauver ces engins de la casse et de la ferraille. Avec notre association, Ardennes 44, nous arpentons les fermes, les campagnes et les villages. Nous traquons tout ce qui roule ou disons, ce qui a roulé. Jeeps, chars, véhicules militaires en tout genre, c'est un peu la chasse aux trésors !
- Il nous faut environ 5 ans pour restaurer un véhicule. Pour ce tank, là-bas sur la place, il en a fallu 15. Des arbres poussaient à l'intérieur quand nous l'avons trouvé. Avant toute chose, nous avons dû joué de la tronçonneuse.
Il me raconte sa passion à remettre en service les engins de nos libérateurs... Emouvante conversation en ce jour de commémoration.
- les pièces abîmées sont parfois difficiles à trouver. Un véritable casse-tête : prenez les pas de vis, ceux des américains sont différents. Alors nous allons les chercher aux Etats-Unis.
- les costumes ? Ils se sont imposés d'eux-mêmes. Lorsque nous nous sommes mis à défiler dans nos véhicules restaurés.
- Dans les Ardennes, les rassemblements sont souvent plus modestes. Mais aujourd'hui, sur le parcours, le public était venu si nombreux ! Nous avons été chaudement applaudis... Plusieurs fois, j'ai eu les larmes aux yeux !
- La nuit ? On la passe au campement, dans le parc. Là-bas, il y a de l'ambiance. On retrouve nos 20 ans.
Au milieu des GI d'un jour et des engins militaires, je me délecte de son histoire. Mais quelle est la motivation de cet homme, au fond ?
- Comment vous appelez-vous ?
- Je m'appelle Lysian.
- ??? ...
- L-Y-S-I-A-N. Ma mère est américaine. Elle a débarqué ici, avec les forces alliées.
- Un jour, elle est retournée vivre aux Etats-Unis avec mes soeurs. Je suis resté, avec mon père.
Soudain, je comprends que Lysian est un enfant de cette guerre.
Un enfant de la victoire et de la liberté. Que dans ses veines coule le sang de nos sauveurs et celui de la patrie.
Je comprends que son coeur est ici et là-bas.
Je comprends alors pourquoi et pour qui, roule Lysian.
http://www.ardennes44.com/fr/accueil.htm
1945 - 2015. Merci à la ville de Reims pour ces journées de festivités, orchestrées autour du thème de la paix.
Bravo à tous les figurants et aux nombreux participants qui ont rendu si vivantes, ces commémorations.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire